La traçabilité alimentaire par la blockchain prend de l’ampleur depuis quelques années dans le secteur agroalimentaire. La possibilité de retracer instantanément l'ensemble du cycle de vie des produits alimentaires, de l'origine à chaque point de contact sur le chemin du consommateur, permets de renforcer la crédibilité, l'efficacité et la sécurité. Aujourd'hui, les consommateurs ont la possibilité de suivre leurs aliments de la ferme à la fourchette par le simple scanning d’un QR code.
Cependant, l’instabilité récente de l’écosystème cryptomonnaies, sur lequel repose la blockchain, ne rassure pas les géants de l’industrie alimentaire qui commencent à remettre en cause leurs projets basés sur cette technologie.
Il est donc intéressant de se demander aujourd’hui : quel premier bilan tirer de l’utilisation de la blockchain dans l’industrie alimentaire ?
BLOCKCHAIN, TRAÇABILITÉ ET SUPPLY CHAIN
De premiers usages blockchain pour renforcer la traçabilité alimentaire
La blockchain permet d'authentifier l'origine des aliments ce qui, a fortiori, renforce la crédibilité des marques. Elle possède également un rôle préventif en permettant de localiser plus rapidement les sources potentielles de contamination. Ceci permet de prévenir ou contenir efficacement les épidémies, et à terme de minimiser les dépenses liées aux tests alimentaires (ce qui à terme améliore également les marges).
Les géants de l’industrie se sont donc rapidement intéressés à cette technologie, le premier à franchir le pas étant l’américain Walmart dès 2016 avec son Walmart Food Traceability Initiative (lancé officiellement en 2018). Il s’agit d’un partenariat de suivi des aliments ainsi qu’une plateforme logistique alimentée par la technologie blockchain d'IBM aux côtés de 10 autres leaders du marché (Nestlé, Dole Food, Driscoll's, Golden State Foods, Kroger, McCormick, McLane, Tyson Foods et Unilever). Avec ce pilote blockchain, Walmart pouvait par exemple retracer son produit « mangues en tranches » à travers tous les points de contrôle : d'une ferme mexicaine, à une usine de traitement d'eau chaude, à un importateur, à une usine de transformation américaine, à un entrepôt frigorifique et enfin à Walmart. Avec la technologie blockchain, le temps de traçabilité de ces « mangues en tranches » est de seulement 2 secondes vs. 6 jours, 18 heures et 26 minutes pour une équipe interne à Walmart.
En Europe, c’est le détaillant Carrefour qui, en 2018, a intégré la traçabilité alimentaire blockchain pour ses poulets élevés en liberté en Auvergne. Depuis, le groupe a étendu la technologie à d'autres produits alimentaires, notamment le miel, les œufs, le lait, les tomates, les hamburgers et le saumon ; ainsi que tout récemment, en avril 2022, à sa gamme Bio. Concrètement, le consommateur peut accéder aux informations d’un produit en scannant un QR-code présent sur l’étiquette. Il peut ainsi découvrir l’intégralité du cycle de vie du produit : origine et parcours (nom du producteur, localisation du champ, etc.), qualité (date de récolte, variété et saisonnalité, etc.), certification bio (certificat officiel, initiatives supplémentaires du producteur, etc.).
La blockchain pour améliorer la supply chain alimentaire
L’utilisation de la blockchain dans la Supply Chain agroalimentaire a également pris de l’ampleur depuis quelques années, afin notamment de mieux gérer les stocks en entrepôt. Les entrepôts alimentaires sont soumis à des contraintes de gestion spécifiques liées à la nature périssable des produits et des délais de vente de plus en plus courts. A cela s'ajoute également l’exigence croissante des consommateurs (saveurs différentes, plusieurs tailles de conditionnement, matériaux écologiques, etc.). Aujourd'hui, le nombre de références ne cesse de croitre, ce qui complique le stockage des produits finis. Retard de distribution, coûts plus élevés, gaspillage alimentaire, etc. sont autant de répercussions possibles.
Grâce à l’automatisation des tâches et la plus grande fluidité des transferts d’informations, la blockchain permet de réduire les délais et le nombre de formalités à accomplir. En outre, elle facilite la gestion des références multiples en entrepôt. Il est en effet possible de scanner les codes-article (SKUs) ou un QR-code pour intégrer rapidement le stock à la blockchain. Enfin, elle permet une intégration automatique grâce à des capteurs et des sondes connectés mesurant des caractéristiques précises, comme le poids, la température, le niveau de stock, l’emplacement, etc.
Beaucoup de géants de l’informatique se sont intéressés à cette opportunité technologique. C’est le cas d’IBM qui, en 2017, a lancé IBM Food Trust, une plateforme de chaîne d'approvisionnement alimentaire basée sur la blockchain facilitant la traçabilité de la provenance des aliments et le contrôle de la sécurité. Cette plateforme peut fournir un historique complet des transactions liées aux produits fournis, rationalise la gestion des documents de provenance des aliments et offre des analyses intégrées de la chaîne d'approvisionnement alimentaire.
DÉFIS ET LIMITES
Les défis liés à la mise en place de la blockchain dans l'industrie alimentaire
La blockchain est donc considérée comme un outil prometteur pour améliorer la traçabilité et la transparence dans l'industrie alimentaire. Cependant, plusieurs défis doivent être surmontés pour qu’elle puisse être utilisée de manière efficace dans ce secteur.
Tout d'abord, il y a un manque de standardisation dans la façon dont la blockchain est utilisée dans l'industrie alimentaire. Cela signifie que différentes entreprises peuvent utiliser différents systèmes technologiques. Ceci rend difficile la comparaison des données et la collaboration entre les différents acteurs d'une même chaîne d'approvisionnement.
De plus, la mise en place de la blockchain nécessite des investissements importants en matière de technologie et de personnel pour garantir son fonctionnement correct. Cela représente donc un défi pour les petites entreprises, qui n'ont pas forcément les moyens financiers pour investir dans ces technologies.
Limites liées à l'utilisation de la blockchain dans l'industrie alimentaire
Au delà des défis à relever, il existe également plusieurs limites à prendre en compte dans la blockchain alimentaire.
Tout d'abord, la blockchain est une technologie relativement nouvelle et encore en développement, il est donc possible que de nouveaux problèmes soient découverts à mesure que la technologie sera utilisée de manière plus fréquente dans ce secteur.
En outre, la blockchain est une technologie décentralisée, ce qui signifie qu'elle ne peut pas être modifiée ou corrigée une fois que des informations ont été enregistrées. Cela peut entraîner des problèmes si des erreurs sont commises dans la saisie des données, et il peut être difficile de les corriger.
Enfin, l'utilisation de crypto-monnaies instables dans la blockchain alimentaire peut présenter un risque en raison de la volatilité de leur valeur. Cela peut rendre les transactions financières incertaines et entraîner des pertes pour les acteurs de l'industrie alimentaire. Il est donc important de développer des solutions plus stables pour garantir la viabilité à long terme de la blockchain dans ce secteur.
CONLUSION
En conclusion, la blockchain présente de nombreux avantages pour améliorer la traçabilité et la transparence dans l'industrie alimentaire. Malgré les défis que nous avons pu identifier, la blockchain reste un outil prometteur pour améliorer la qualité et la sécurité des produits alimentaires. Il est donc important de poursuivre les efforts pour surmonter ces défis et de continuer à explorer les utilisations de la blockchain dans l'industrie alimentaire.
De même, les cas d’usages blockchain expérimentés dans l’industrie alimentaire ont pavés le chemin pour l’industrie de manière générale. L'avenir de la blockchain dans l’industrie pourrait par exemple comprendre une utilisation accrue dans la gestion des chaîne d'approvisionnement, dans la sécurité des données ou encore dans la transparence financière. Avec ces contrats intelligents, nombreux sont les processus pouvant être automatisés, ce qui assure à terme un gain de temps et d'argent.