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Quelles évolutions pour le marché du métavers ?


Il n’existe pas un, mais des métavers. Les débuts du métavers sont marqués par l’émergence d’une multitude d’acteurs proposant des plateformes aux caractéristiques variées. Des plateformes comme The Sandbox, Decentraland Roblox ou Zepetto ont ainsi vu le jour, pour ne citer que les plus connues d’entre elles.


Cette tendance est conforme à l’évolution classique des marchés de la tech. Sur ces marchés, on voit d’abord un nombre important d’acteurs émerger et se partager le marché avant que certains d’entre eux ne prennent l’ascendant. Cette logique est souvent nommée « Winner takes it all ». Elle peut par exemple être observée sur le marché du e-commerce, où Amazon est aujourd’hui un leader incontestable, ou encore sur le segment des moteurs de recherche, largement dominé par Google.


Mais aujourd’hui, rien n’indique que le marché du métavers évoluera en suivant cette logique.



Scénario 1 : le développement d’un marché composé d’un nombre croissant de plateformes spécialisées et l’enjeu d’interopérabilité


Il est possible que le marché du métavers poursuive son évolution en voyant émerger un archipel de métavers proposant des expériences variées. Ce scénario est d’autant plus crédible que le concept de métavers se développe dans un contexte d’émergence du « Web 3.0 ». Ce terme est utilisé pour désigner un internet reposant de plus en plus sur des organisations et des technologies décentralisées. Plusieurs plateformes comme Decentraland ou The Sandbox utilisent ainsi la technologie blockchain qui permet de stocker des données dans un registre décentralisé garant de leur intégrité. Sur ces plateformes, c’est sur la blockchain que reposent les systèmes de propriété et d’échange. En plus de l’usage de technologies décentralisées, plusieurs de ces plateformes fonctionnent sur le modèle des Decentralized Autonomous Organizations (DAOs). Ces organisations sont caractérisées par un mode de gouvernance décentralisé dans lequel chaque utilisateur a un pouvoir de vote, donc de décision, et contribue ainsi à l’évolution de la plateforme. C’est notamment le cas de Decentraland, qui permet à chaque utilisateur de proposer de nouvelles fonctionnalités ou orientations et de voter pour les propositions des autres membres.


Cette logique de décentralisation pourrait potentiellement s’étendre à la structure même du marché du métavers. Dans ce scénario, le marché serait alors composé d’un archipel de plateformes proposant des expériences ciblées, dans la continuité de ce que l’on constate déjà aujourd’hui. En effet, on voit déjà se développer des métavers dédiés au gaming, à la mode ou au fitness, des plateformes ayant vocation à devenir des réseaux sociaux ou d’autres se concentrant sur la transformation des relations professionnelles.


Si ce scénario venait à se réaliser, le marché serait donc composé d’une multitude de plateformes distinctes. La question de l’interopérabilité entre ces plateformes deviendrait alors centrale. Est-ce qu’un objet acquis dans un métavers pourrait être utilisé dans un autre métavers ? La question est d’autant plus intéressante que la propriété de biens au sein des métavers rencontre un intérêt croissant, illustré par la vente d’items sous forme de NFTs à des prix de plus en plus élevés. Rendre ces items disponibles dans plusieurs métavers à la fois augmenterait d’autant plus leur valeur.


L’interopérabilité deviendrait alors un enjeu clé de l’attractivité des métavers. Elle est techniquement possible grâce aux NFTs, qui reposent sur une architecture décentralisée (blockchain) qui peut être ouverte à tous. Les utilisateurs pourraient donc techniquement faire valoir leurs propriétés dans plusieurs univers différents à partir du moment où ces univers peuvent accéder à la blockchain sur laquelle ces propriétés sont enregistrées.


Certains métavers ont déjà compris l’importance de cet enjeu et des initiatives visant à rendre communicantes différentes plateformes apparaissent déjà. Ainsi, The Sandbox a récemment noué un partenariat avec la plateforme de jeu FlickPlay, centrée sur le métavers et les NFTs, pour permettre aux joueurs d’utiliser un actif numérique sur les deux plateformes.



Scénario 2 : la concentration du marché autour d’un métavers prédominant et l’enjeu de la gouvernance


L’arrivée des GAFAM sur le marché du métavers (Meta, Microsoft) rend envisageable le scénario qui prévoit l’émergence d’un métavers principal.


Le groupe Meta, dont le nom nouvellement choisi reflète l’ambition de devenir un acteur incontournable du métavers, communique sur son désir de développer un « métavers continent » capable de proposer une infinité d’expériences sociales et professionnelles. Sa plateforme Horizon accueille ainsi diverses applications entre lesquelles il sera possible de naviguer sans limites. On peut citer Horizon World, qui permet aux utilisateurs de créer des mondes virtuels, d’échanger avec d’autres utilisateurs ou de participer à des événements ; ou Horizon Workrooms, dédié à la création d’espaces de travail collaboratif. Pour réaliser cette ambition, le groupe a investi 10 milliards de dollars dans le métavers en 2021 et a annoncé vouloir créer 10 000 emplois dans l’Union Européenne.


Meta, contrairement aux acteurs déjà en place sur le marché, souhaite donc développer un « métavers continent » proposant toutes les expériences qu’un utilisateur peut espérer trouver dans un monde virtuel. L’essor de la plateforme Horizon World pourrait alors évincer peu à peu les autres plateformes du marché, laissant au groupe Meta le rôle de leader incontesté du marché.


Si Meta semble s’être idéalement positionné, il est tout à fait possible que d’autres GAFAM entrent sur le marché et viennent proposer une plateforme concurrente qui pourrait s’imposer sur le marché comme métavers dominant. Dans tous les cas, ce scénario conduirait à la création d’un univers social unifié entièrement gouverné par une grande entreprise technologique.


Ce scénario présente des enjeux distincts du premier. Les GAFAM, qui semblent être les plus à même de dominer ce marché, font déjà l’objet de vives critiques concernant la gouvernance qu’ils exercent sur leurs services numériques. Il est alors facile d’imaginer que les problématiques rencontrées sur les réseaux sociaux se présentent également sur un métavers développé et géré par un GAFAM. À ce jour, plusieurs cas de harcèlement sexuel ont été recensés dans le métavers. Tous ont d’ailleurs eu lieu sur la plateforme Horizon World, détenue par Meta. Face à ces incidents, les réflexions autour de la modération des propos et des comportements sont de plus en plus nombreuses. Elles tendent même à estimer que le risque de laxisme est aussi présent que le risque d’ultracensure. Peu importe l’extrême vers lequel elle risque de pencher, il est certain que la modération constituera un élément central de la gouvernance d’un univers social aussi vaste que celui que Meta nous promet.


De plus, la gestion des données reste un sujet épineux que les GAFAM n’ont jamais réussi à adresser convenablement. Le métavers est déjà pressenti comme étant une source intarissable de données sur les usagers. De nombreux brevets ont d’ailleurs été déposés par des entreprises, qui souhaitent miser sur les nouveaux outils utilisés dans le métavers (casques VR, lunettes de réalité augmentée, etc.) pour développer de nouvelles technologies de collecte de données usagers (ex : suivi oculaire). La question de la confidentialité et plus largement de la maîtrise des données personnelles sera, dans le métavers également, un sujet de première importance que les régulateurs ne manqueront pas de suivre de près.

 

Un marché, par définition, est composé d’une multitude de facteurs mutuellement exclusifs qui couvre l’ensemble des dimensions de ce marché. En d’autres termes, l’aspect technologique, économique, social, culturel, légal ainsi que l’attitude des consommateurs vis-à-vis du produit pour ne citer que les plus importants, ont tous leurs rôles à jouer dans la création et l’évolution d’un marché.

Ainsi, la question de l’existence d’un ou plusieurs métavers s’inscrit pleinement dans les principes énoncés plus haut. Que le métavers soit unique et propre à une seule entreprise ou au contraire se développe autour de plusieurs plateformes spécialisées, ouvertes et interdépendantes entre elles, dépend en grande partie des tendances actuelles des consommateurs envers le métavers. La prise de conscience des consommateurs face à une utilisation excessive de leurs données personnelles donnerait plus de légitimité à une évolution qui suivrait le cours du scénario 1. De même, la méfiance des régulateurs envers les entreprises en situation de monopole notamment avec le sujet épineux du pouvoir des GAFAM, favoriserait l’émergence d’un écosystème à plusieurs acteurs. Néanmoins, cette vision semble en oublier les dimensions économique et culturelle spécifiques à chaque pays. En effet, nous n'aurons certainement pas un marché mondial du métavers mais plutôt plusieurs marchés locaux qui reflètent aussi les attentes diverses des consommateurs.

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